L’artiste porte son regard sur le monde, et ce regard engendre un monde où, à notre tour, nous promenons notre regard. Que ce monde de l’artiste soit miroir de notre monde ou nouveau monde en gestation, promener son regard dans cet univers singulier comporte des risques, entre autre celui d’en revenir changé – ou davantage soi-même.
Dès lors, quand le promeneur regardera à nouveau ce monde (le nôtre), il ne le reconnaîtra plus tout à fait, il ne s’y reconnaîtra plus soi-même tout à fait. Parcours vertigineux, réalité mouvante…
Rien n’est plus perfide que la ressemblance. On avançait d’un pas ferme dans un territoire que l’on croyait familier, puis la face du monde – le beau visage de la création – se met à grimacer, se craquèle. Des abîmes s’ouvrent au fond desquels grouillent des monstres en qui nous voilà forcés de nous reconnaître. Face-à-face troublant, confrontations révélatrices.
De notre promenade dans le regard de l’artiste, nous reviendrons avec un regard frais.
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Je pense que personne n'est capable de se décrire soi-même d'un point de vue totalement objectif. Donc, je suppose que je vais me dépeindre en tant qu'homme de l'art, dont les yeux ont été les témoins de tant de cruautés, guerres, pogroms, discriminations; plus de 70 ans de souffrances morales et/ou physiques, de rudes épreuves personnelles qui ont laissé des traces indélébiles. En tant que Roumain qui a passé la plus grande partie de sa vie d'adulte sur d'autres terres, je peux m'imaginer comme un arbre déraciné par les vents, prenant son envol vers d'autres printemps. Je peindrais, peut-être, un visage semblable à ceux d'une mosaïque byzantine, portant une expression amère et inquiète comme quelqu'un qui ne s'est jamais senti vraiment chez soi dans ce monde... Les mains, je les représenterais à la fois sensibles et remplies d'une énergie qui frôle la nervosité. Je choisirais une palette de couleurs sombres, entrecoupée de quelques explosions éparses de lumière et de chaleur vive, qui pourraient indiquer ma passion pour la vie. Enfin, je me placerais, sans doute, devant un chevalet, au milieu d'un vaste paysage, car exprimer mes idées sur la toile a été à la fois le fondement et le but de ma vie.(Devis Grebu)